Le Graal, de l'objet au symbole
Au commencement était un graal porté par une damoiselle lors d'un cortège organisé au chateau du roi pëcheur auquel Perceval en fut le témoin. Puis vint une lance dont trois gouttes de sang s'échappait en son extrémité et un tailloir d'argent.
Tel est l'apparition du graal comme la décrit Chrétien de Troyes. Etonnamment, le graal n'est qu'un des objets faisant partie de cette procession. Car on parle bien d'objets ici (même si le graal de Chrétien a bien une portée symbolique) que Perceval entrevoit au château du roi pêcheur: il y a un graal (et non pas Le Graal), un tailloir d'argent et une lance. Tous ces objets seront repris dans différentes autres versions de la légende, avec plus ou moins de symbolismes, en subissant des transformations par rapport au graal-origine/originel. Ainsi ce qui apparait comme "un graal" dans une procession deviendra quelques années plus tard le "Saint Graal". Ce changement est déjà significatif en soi car la portée religieuse de l'objet (moins forte dans le conte de Chrétien de Troyes mais déjà perceptible) lui ajoute une dimension plus mystique encore. Le Graal devient Saint, d'où l'idée d'élévation spirituelle. On peut aussi mentionner le fait qu'ayant pris ce symbolisme plus religieux, il fallait aussi un champion capable de relever le défi et Perceval ne faisait clairement plus l'affaire. Galahad, emblème de pureté et de chasteté, était LE chevalier par excellence pour une quête plus qu'identitaire, un voyage à travers son âme.
Gauvain assistant à la procession au château du Graal
Alors que les représentations du Graal changent d'un auteur à l'autre, le mythe s'intensifie, s'étend dans toute l'Europe. On le voit plat, coupe, pierre, simple manuscript, peut-être même Arche de l'Alliance. Bref, qu'est-ce que le Graal? Ce n'est plus un objet mais un symbole qui véhicule les idées de son auteur et de son temps. Un exemple frappant chez Lord Alfred Tennyson qui, écrivant sous le règne victorien, mèle légendes arthuriennes et valeurs strictes de l'Angleterre de l'époque.
Sir Galahad, par Arthur Hughes (1823-1904)
De nos jours, les fans d'Indiana Jones diront que le Graal est une coupe et conteront l'histoire de Joseph d'Arimathie avec merveille. La réalité est tout autre puisque, depuis le 12ème siècle, le Graal a eu le temps de revêtir bon nombre de formes, incluant le célèbre et redoutable anneau de Tolkien. Sans compter que plus récemment, Dan Brown semble bouleverser les idées reçues de chacun avec un Graal plus féminisé (rappelons aussi qu'il n'y a rien de nouveau dans ce concept mais que l'auteur a contribué à étendre cette notion, méconnue pour certains d'entre nous!!!). On va même jusqu'à attribuer le Graal à chaque objet trouvé après une quête plus ou moins difficile, vision qui tend à prouver que tout objet conduisant à une quête, que cet objet soit possédé ou non par le questeur, peut être un Graal mais l'inverse n'est pas vrai. En effet, tout Graal n'est plus forcément objet. Le fait d'acquérir la connaissance de soi, de l'univers ou de résoudre une simple énigme tend à trouver son Graal sous la forme symbolique de l'accomplissement d'un voyage, d'une recherche.
Bref, le Graal n'a plus aucune forme distincte. "Trouver son Graal" devient le but de tout un chacun et tout le monde y trouve son compte en définitive.
Commenter cet article