La grande exposition de Rennes
Rennes enchante la quête du Graal
Valérie Sasportas
21/07/2008 | Mise à jour : 10:29
Le centre culturel des Champs Libres qui réunit la bibliothèque de Rennes Métropole, le Musée de Bretagne et l'Espace des sciences, organise sa première grande
exposition consacrée au roi Arthur.
Des chants d'oiseaux, des cris de bêtes fantastiques, l'écoulement d'un ruisseau résonnent dans la première salle figurant la forêt. " C'est le lieu où naissent les récits ", justifie Sarah
Toulouse, conservateur en chef à la bibliothèque de Rennes et commissaire de l'exposition " Le roi Arthur, une légende en devenir ", présentée aux Champs Libres jusqu'au 4 janvier
prochain.
Entrer dans la légende, c'est d'abord pénétrer Brocéliande ou son évocation. Une scénographie éclectique plante le décor : des photos au vert criard d'un bois comme prises à travers l'eau de
l'étang, un tableau XIXe de sir John Gilbert posé sur un chevalet de branchages, où deux chevaliers s'enfoncent dans une forêt épaisse peuplée de diablotins, un ours empaillé évoquant les racines
celtes du prénom Arthur (Ars signifiant ours, NDLR) ou encore une mosaïque venue d'Otrante, en Italie, où Arthur, chef de guerre, combat à dos de bouc une sorte de chat monstrueux, appelé
Chapalu.
Aussitôt après se déploie un improbable arbre généalogique au rouge design, le " who's who arthurien ". Un premier écran diffuse des extraits de films qui ont porté la légende : Les Chevaliers de
la Table ronde, avec Robert Taylor, en 1953, Merlin l'enchanteur, le long métrage des studios Disney réalisé 10 ans plus tard, les Monty Python ou encore la série de M6, Kaamelott. Une borne "
feuilletoir " conçue en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France, diffuse des textes arthuriens. On y lit que c'est au XIIe siècle que naquit le personnage d'Arthur, avec Geoffroy de
Monmouth qui, prétextant d'écrire l'histoire des rois de Bretagne, développa des récits jusqu'alors oraux. Mais le texte est en latin et prouve que Chrétien de Troyes est le père de ce
best-seller vieux de mille ans et sans cesse renouvelé. Il écrivit en langue romane les aventures des chevaliers de la Table ronde et signa, ainsi, le premier roman français.
Hérauts d'une Bretagne à la géographie fantasmée
A ce stade de l'exposition, on est encore dans l'entrée en matière. Mais l'on sait déjà qu'il s'agit d'un projet singulier. " C'est un parcours thématique qui essaie de démontrer comment chaque
époque s'est appropriée le mythe ", explique Sarah Toulouse. Sur plus de 1 000 m² répartis en trois salles et deux niveaux, on découvre la Table ronde (lire l'encadré), pôle magnétique de la
geste arthurienne et ancrage d'un univers foisonnant de personnages. Les fées Morgane et Viviane, Merlin, Arthur, Guenièvre, mais aussi Lancelot, Perceval, Galaad, Mordred, Tristan et Iseult
sont tous les hérauts d'une Bretagne à la géographie fantasmée (des Cornouailles irlandaises jusqu'à l'Armorique), d'un conte fantastique et poétique, d'un tourbillon de guerres, d'amour et de
sortilèges.
" C'est Dallas en Brocéliande ! ", s'exclame Patrick l'historien d'art Patrick Absalon (lire ci-dessous). Et l'échiquier y est une pièce maîtresse. " Il n'y a pas qu'Harry Potter qui joue aux
échecs, Perceval aussi ! ", s'exclame encore Sarah Toulouse. Il est le centre des stratégies. Le damier sur lequel les visiteurs se déplacent, découvrant tour à tour des ivoires d'Allemagne
datant du XIe, des sculptures de Modène (Italie), un manuscrit enluminé sur la conception de Merlin, un buste XIXe du " barde de Bretagne ", l'épée d'Excalibur plantée dans le roc.
Une borne propose un jeu sur la géographie arthurienne. Des casques audio diffusent tantôt l'histoire, dite par des comédiens, tantôt des airs d'opéra, King Arthur de Purcell, Parsifal de Wagner,
Le roi Arthus de Chausson. De superbes tableaux, des manuscrits enluminés jalonnent le parcours. Mais le plus convoité se fait attendre. Comme le Graal. Une copie grandiose du chaudron de
Gundestrup, datant du Ier siècle avant Jésus-Christ, est exposée en face de l'ouvrage qui est à l'origine de cette exposition . Et à côté, sous un dais noir, Arthur se meurt dans un tableau
magnifique de James Archer, venu de Manchester, où l'apparition du Graal signe l'échec ultime.
Mais est-ce vraiment la fin ? Rennes a choisi d'épiloguer avec les " actualités du roi ". Une salle où la légende se nourrit de l'art, avec des affiches de cinéma, de la littérature (John
Steinbeck, René Barjavel, Michel Rio), du théâtre (Jean Cocteau, le Graal Théâtre). Et une conclusion en point d'interrogation : Arthur est-il mort ou reviendra-t-il ? Et puis où est le Graal ?
Les organisateurs n'offrent qu'une seule réponse : " Dans la quête du Graal, le plus important, ce n'est pas le Graal, mais la quête ".
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