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L'église Saint Saturnin

Publié le par Khrist

Palairac est une commune française située dans le département de l'Aude. On y trouve entre autre une petite église qui contient une peinture assez étonnante.



La peinture se trouve dans la chapelle nord de l'église appelée Chapelle Saint-Roch. Bien qu'elle soit très endommagée1, il est possible d'y voir les traces de plusieurs formes plus ou moins distinctes. Voici un relevé des principaux motifs présents (ou non?) sur la peinture. J'en profite pour mentionner l'excellent site de Michel
Rzepecki, maire du village, qui a lui-même travaillé à décrypter cette mystérieuse "fresque-peinture". Certains éléments de cet article s'inspireront donc directement de ce site que vous retrouverez en lien à la fin de l'article ainsi que dans la page "Liens".

1) le calice: il est difficile maintenant de ne pas penser au Graal quand on rencontre un calice dans un édifice religieux. Pourtant, ce n'est pas si évident. Le mot "graal" n'apparaît jamais dans la Bible. Il est plus présent par contre dans les évangiles apocryphes2 comme celui de Nicodème3 par exemple. Le calice est souvent utilisé  dans les cérémonies religieuses. Il est même symbole du sang de Dieu. Dans la peinture de Nicolas Prevost, La Foi et l'Espérance4 (vers 1635-42), une femme, figure allégorique de la foi, tient un calice surmonté d'une hostie dans la main. Ce calice est une représentation symbolique du corps et du sang du Christ. Il n'est donc pas exclu que ce calice soit plus une représentation du Christ lui-même qu'un graal même si l'interprétation arthurienne qu'on peut lui donner est tentante. La couleur rouge de la peinture renforce cette interprétation dans le sens où elle peut représenter le sang de Dieu.  A noter aussi que la coupe est au centre de l'oeuvre comme pour marquer son importance.

2) les tablettes: un autre motif religieux. Les Tables de la Loi sont des tablettes en pierre où Dieu y a gravé les Dix Commandements. On peut distinguer des chiffres romains5 ce qui laisse bien penser à cette interprétation. Si le Graal représente le corps et le sang du Christ, les Dix Commandements (appelés aussi Décalogue) correspondent à la parole de Dieu. Toujours dans un esprit symbolique, les tablettes sont signes de moralité et du devoir de l'homme envers Dieu. On comprend alors mieux que les éléments de la peinture soient comme liés les uns aux autres puisqu'ils s'harmonisent en quelque sorte. Dans cette optique, on a affaire non pas à des objets mais à des symboles qui renvoient à des notions religieuses bien connues comme la foi, la résurrection, la spiritualité...
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3) le serpent: religieusement parlant, le serpent peut être un rappel du pêché originel, ce qui justifierait une interprétation plus religieuse de la peinture qu'ésotérique. Il n'empêche que le Graal a déjà été lié au serpent dans des livres comme The Serpent and the Grail (A. A. Attanasio) où le plus récent The Serpent Grail (Philip Gardiner).  Le serpent est aussi un symbole de renaissance ce qui renvoie aux fameux rites de fertilité du Graal. De plus, de par sa capacité de changer de peau, sa mue correspond aux divers stades du chevalier avant l'illumination.

4) l'ancre: symbolise l'espérance mais aussi, de par sa nature (les vagues ne peuvent l'ébranler), la fermeté de la foi chrétienne. Dans l'Epitre aux Hébreux7,  Saint Paul raconte: "afin que, par deux choses immuables, dans lesquelles il est impossible que Dieu mente, nous trouvions un puissant encouragement, nous dont le seul refuge a été de saisir l'espérance qui nous était proposée" (VI,18). Il ajoute que "cette espérance, nous la possédons comme une ancre de l'âme, sûre et solide; [...]" (VI,19). Il est d'ailleurs probable que cette ancre soit cruciforme, c'est à dire en forme de croix en dessous de son anneau. Le fait est qu'elle est cachée par les Tables de la Loi. Le symbole de la croix est tout de même représenté grace à l'épée.

5) la croix et l'épée: on ne peut pas ne pas penser aux Croisades quand on retrouve le motif de la croix (religion) et l'épée (symbole de combat). La croix est aussi symbole du martyre de Jésus. Peut-être est-ce aussi pour rappeler que la foi chrétienne peut être malmener, d'où la présence de l'ancre qui, comme nous l'avons vu, est synonyme de la solidité de la foi chrétienne.

6) le coffre: tout comme les tablettes peuvent représenter les Tables de la Loi, le coffre qui se situe sur la gauche peut par conséquent être l'Arche d'Alliance contenant les fameux Dix Commandements. Si l'ancre peut contenir un symbolisme hébraïque, le coffre fut à l'origine construit par Moïse sur la demande de Yahvé, le Dieu des Hébreux. Il est aussi signe de révélation. C'est à son ouverture que la révélation divine peut être dévoilée. Le fait que les Tables de la Loi soient représentées montre que l'Arche a déjà été ouverte.

7) la pyramide ombragée: à l'origine, la pyramide est un symbole d'unité. Elle représente aussi l'ascension de l'homme vers la spiritualité8. Si l'on considère la figure comme un triangle équilatéral, il est symbole de divinité et d'harmonie. On peut alors se demander s'il faut considérer ce dessin comme une pyramide ou un triangle, la pyramide n'étant pas, au départ, un symbole religieux. Car le triangle, avec ses trois côtés, représente la Trinité. Dieu, qui est une seul et même personne, se décompose en Père, Fils et Saint Esprit. Le fait qu'il y ait une ombre dessinée sur le côté montrerait cependant qu'il s'agit bien d'une pyramide.

8) la pyramide avec l'oeil: impossible de ne pas penser aux franc-maçons quand on voit un tel symbole. Surtout que la franc-maçonnerie est une religion qui met le serpent à l'honneur dans le fait qu'il est symbole de régénération. Mais il faut savoir que, comme tout symbole, il a été détourné par les franc-maçons et qu'il représente l'oeil de Dieu, l'oeil omniscient qui voit tout. Un exemple de cet oeil se retrouve sur la cathédrale d'Aix-la-Chapelle. Le fait est que si l'on considère cet oeil comme effectivement maçonnique, alors les objets de la peinture prennent un caractère ésotérique qu'ils n'ont probablement pas. Dans l'état actuel des choses, il est difficile de trancher sur cette question même si la fresque semble être antérieure à la création officielle de la franc-maçonnerie.

Notez que j'ai volontairement écarté la piste ésotérique en ce qui concerne l'étude de la peinture de Palairac. Une des raisons est qu'on peut très vite partir sur de fausses pistes si l'on est pas vigilant. Il y a beaucoup de sites qui parlent des symboles comme la pyramide (avec ou sans l'oeil d'Horus), la croix, l'Arche d'Alliance... Je ne saurais conseiller aux internautes qui seraient intéressés par de tels sites de faire bien attention aux informations qui s'y trouvent. De plus, de nombreux symboles ont été détourné de leur fonction originelle et ont pris bien des sens différents au cours des siècles, l'un des meilleurs exemples étant sans doute le Graal.

1 Après autorisation auprès des Monuments Historiques, des travaux de conservation auront lieu du 1er décembre au 14 décembre 2008.
2 Les évangiles apocryphes sont tous ceux qui n'ont pas été retenus comme faisant partie des évangiles "officiels".
3 Dans l'évangile de Nicodème, on retrouve le personnage de Joseph d'Arimathie, figure emblématique associée au Graal.
4 Huile sur bois, disponible au musée Vendome, au musée des Beaux-Arts d'Orléans. 
5 Seuls les chiffres 6 à 9 sont encore visibles.
6 Comme souvent dans les peintures religieuses, les personnages et objets ont une portée allégorique.
7 L'Epitre aux Hébreux est un livre du Nouveau Testament adressé aux chrétiens issus du judaïsme. Certains l'attribuent à Saint Paul.
8 On notera par ailleurs que la quête du Graal implique une même ascension du chevalier vers une connaissance/un plan d'existence supérieur. Il faut alors voir la pyramide comme une succession d'étapes, de la base à son sommet, qui préparent le questeur à l'initiation finale.

Les liens:

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L'église Saint Saturnin de Palairac: découvrez virtuellement l'église Saint Saturnin et son architecture, dont la "fresque" du Graal. Merci à monsieur de maire de Palairac de m'avoir fait découvrir ce site.
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L'Epitre des Hébreux: traduction du texte des divers chapitres du livre.

- Introduction aux symboles - exemple de la pyramide: pour une interprétation plus détaillée de la pyramide.

- La pyramide en tant que symbole (site en anglais): pour les anglicistes, les explications sur le symbole de la pyramide mais en anglais.

Livre référence:

- Dictionnaire des antiquités chrétiennes, Joseph Alexandre Martigny


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P
L'ancre à Jas est selon Strabon une invention du Scythe Anacharsis. Il met en oeuvre le moment d'inertie pour le mouillage. On retrouve l'ancre dans le pendule de Salomon (où Chrisme). Les lettres utilisées pour composées le symbole ne sont pas selon moi du grec mais issues de l'alphabet paléo-hébraïque (environ l'alphabet phénicien d'Hiram). Le X n'est pas un Chi mais un Tav "la marque". Le R n'est pas un Rho mais un Qof "le shas de l'aiguille". L'alpha majuscule n'est pas un alpha mais un gimel "le chameau" le "centre" à faire passer dans le Qof (la porte basse du christ, celle des tanneurs) et l'oméga mininuscule est un Shin la dent de la méduse, celles de Gargantua, le pendule évoqué dans les mines du roi Salomon, le moment d'inertie de l'ancre d'Anacharsis qui marque l'incomplétude des 22 lettres de l'alphabet paléo-hébraique (les 22 dents de lait du Chameau). L'ancre = dent = Shin = moment d'inertie = mythe de la caverne = Dieu qui fait Shabbat = incomplétude de Godel = MéduseSerpent = Méduse = la vérité n'est pas une image figéeOeil = Méduse = il faut aller au-delà de l'apparence figée.Pyramide = incomensurabilité de la diagonale par rapport au coté et du diamètre par rapport à la circonférencele Graal = les 2 G de Gargantua = du compas et de l'équerre du Gimel  = le iota du concile de NicéeOn a aussi les colonnes du temple de Salomon : la géométrie sphérique et la géométrie hyperbolique dont la "moyenne" n'est pas euclidienne...
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K
<br /> Comme quoi, une même représentation peut être interprétée différemment. Merci en tout cas pour ce nouvel éclaircissement!!! ;-)<br /> <br /> <br />
M
Bonsoir Krist,Vous avez fait une remarquable analyse de notre peinture. Vous donnez une interprétation religieuse argumentée, très claire et je vous en remercie. Bien que passant peut-être plus facilement vers d'autres interprétations moins "conventionnelles", parce que certains détails s'y prêtent, sans qu'elles n'entrent en opposition avec la symbolique religieuse, je vous accompagne tout-à-fait dans l'aspect aléatoire de celles-ci et la mise-en garde que vous donner à l'internaute s'il veut s'y frotter.Encore merci pour votre article.Très cordialementMichel Rzepecki 
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K
<br /> Cette analyse n'est qu'une première approche de cette peinture. Comme toute peinture qui, a mon sens, a une portée allégorique, il y aurait beaucoup de choses à en dire. Hélas, le format de ce blog<br /> ne s'y prête pas vraiment. Pour rendre compte de la richesse de la peinture, il aurait fallu que je fasse  un article complet sur chaque symbole qui constitue ce tableau ce qui n'aurait pas<br /> été judicieux vu que les objets représentés sont connectés les uns aux autres.<br /> Ce que j'ai voulu démontrer (et je ne dis pas que c'est LA solution à l'énigme de Palairac) c'est que derrière l'agencement de ces objets, il y a une symbolique religieuse forte qui définit la<br /> relation de l'homme à la religion.<br /> Bref, cet article a pour but de laisser les gens qui seraient intéressé par cette peinture à s'interroger. Comme pour tout article de ce blog, je n'ai pas la prétention de détenir la vérité absolue<br /> (en ce qui concerne le Graal, ce serait impossible de toute façon!!!). Ce blog donne des pistes de réflexions qui peuvent être complétées ou dénigrées au fil du temps par d'autres passionés.<br /> <br /> <br />