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La symbolique du Graal

Publié le par Khrist

Qui a dit que mathématiques et littérature ne faisaient pas bon ménage? En tout cas, pas Jean-François Lecompte qui, dans son livre La symbolique du Graal, part du constat que "rien n'existe qui ne se vérifie en géométrie" (Marcellin Berthelot) pour déclencher son étude du célèbre Perceval ou le Conte du Graal de Chrétien de Troyes. Ce plan d'analyse se focalise uniquement sur le parcours de Perceval1 et s'intéresse aux douze rencontres faites par le "nicelot" au cours de son apprentissage de la chevalerie vers la connaissance spirituelle.



L'étude de Jean-François Lecompte a pour avantage de pouvoir se découper en plusieurs angles d'analyse tout en ayant pour origine un cercle découpé en douze parties à la manière d'une horloge inversée. Cela démontre, entre autre, que la structure du poème se décline en deux axes diamétralement opposés: un axe terrestre et un axe spirituel. La quête de Perceval se situe dans un niveau ascensionnel où le chevalier devra passer par divers épreuves:
- la connaissance du monde: Perceval est un garçon dont la mère le surprotège. C'est alors qu'il découvre des chevaliers.
- la connaissance des armes: grâce à Gornemant, il acquiert l'art du combat puis se fait adouber chevalier.
- la connaissance de l'amour: Blanchefleur lui fait connaître l'amour et lui fait découvrir pour la première fois sa "virilité" masculine.
- la connaissance de soi: sa cousine qu'il rencontre dans la forêt lui apprend son nom.
- la connaissance de Dieu: à travers l'enseignement de l'Ermite, il termine par le côté spirituel de sa quête.
Par conséquent, la quête de Perceval est une quête qui doit lui permettre d'atteindre son propre Graal à travers la connaissance. De plus, il y a une gradation2 dans cette connaissance d'un point de vue terrestre vers un dégré plus spirituel, ce que nous montre l'auteur en faisant apparaître la structure géométrique du poème.

Est-ce à dire que l'étude mathématique est une autre manière de concevoir l'analyse d'un texte? Selon l'auteur lui-même la géométrie ne peut se substituer à l'esthétique littéraire. Elle n'en est qu'un prolongement, une manière d'éclairer le texte afin d'aller encore plus loin. De plus, la rigueur des mathématiques fait que cette étude n'est valable que sur des textes à la structure très étudiée. Le poème de Chrétien de Troyes est en cela un chef d'oeuvre de beauté artistique, tant du point de vue de l'utilisation des mots, des figures de style, que sur le plan narratif. Cette structure apparemment simple qui passe de l'histoire d'un chevalier à un autre sans réelle transition cache en fait une architecture beaucoup plus complexe que le livre de Jean-François Lecompte décrypte très bien. Mais peut-on considérer que cette précision mathématique est applicable à tout travaux manuscripts?

Certains points restent tout de même obscures. L'auteur de La symbolique du Graal utilise d'emblée le mot "Graal" avec un article défini et une majuscule alors que Chrétien de Troyes a préféré l'article indéfini associé au mot "graal" tout en minuscule. L'article défini peut bien sûr s'expliquer par la coréférence textuelle qui se créee dès lors qu'un graal a été nommé. Mais faut-il vraiment l'associer au Saint Graal? Si la relique de Chrétien était si précieuse, alors l'apparition ne se serait pas faite d'une façon si commune (textuellement parlant3). C'est aussi ce passage d'un graal à "le Graal" chez Robert de Boron et les continuateurs de Chrétien qui constitue un mystère quant au message qui se profilait dans l'oeuvre de Chrétien qui devait sûrement arriver au cours de la 13ème scène non écrite. Une autre hypothèse se trouve dans le fait que le Graal ne peut acquérir toute sa puissance que si Perceval pose la bonne question. Le chevalier, qui reste silencieux lors de la procession au château de Roi Pêcheur, relègue "le Graal" au rang d' "un graal". Cette tendance à la transformation d'un objet commun (UN graal) à un objet de valeur (LE Graal) se retrouve dans l'alchimie.

1 Rappellons tout de même que Le Conte du Graal se présente comme deux histoires distinctes en suivant successivement les aventures de Perceval et celles, plus "terrestres", de Gauvain.
2 L'idée de gradation est bien présente dans l'étymologie même du mot "graal".
3 J'ajoute cette précision car l'apparition du Graal au sein du récit est loin d'être commne étant donné que Chrétien le décrit avec une lumière qui fait pâlir la lumière des chandelles. Mais au niveau de l'utilisation des mots, "un graal" fait beaucoup moins d'effet que "le Graal".

Liens:

Editions Edite: le site de l'éditeur.

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